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    Joan Gadsby a vécu 23 années de dépendance aux benzodiazépines – Les tranquillisants, une drogue légale aux effets ravageurs

    Les pires ravages attribués à la drogue ne passent pas l’action véreuse d’un dealer propriétaire d’un coin de rue, mais par celle d’un vénérable médecin lové dans son cabinet. Joan Gadsby dénonce l’épidémie de la pilule.

    C’était de loin la plus nerveuse et la plus expéditive des conférencières invitées au Forum mondial sur les drogues. Après 23 ans de dépendance aux benzodiazépines, Joan Gadsby n’a plus une minute à perdre dans sa bataille contre l’industrie pharmaceutique.

    «C’est dix fois le problème des drogues illégales, a-t-elle dit hier. Les benzodiazépines sont les drogues les plus prescrites.» Et les dommages sont sérieux. Pris sur une longue période, les drogues de la famille des «benzos» (tranquillisants et pilules pour dormir) affectent l’humeur, la mémoire, les facultés psychomotrices. Elles causent une dépendance sévère: de 63 à 81 % de ses utilisateurs connaissent une rechute lorsqu’ils tentent de rompre avec leurs habitudes. Il n’est pas rare que la pilule miracle provoque des excès de rage — Mme Gadsby a déjà poursuivi son mari avec un fusil! —, voire des idées suicidaires.

    La «maudite drogue» prend tous les visages au Forum mondial. Les benzodiazépines font l’objet d’un commerce restreint et encadré. Elles arrivent surtout entre les mains des personnes âgées et des femmes par les voies légales et socialement acceptées de la médecine scientifique, sous des marques de commerce comme Xanax, Rivotril, Valium, Ativan, Serax. On leur prête pourtant des effets aussi dévastateurs que ceux de l’héroïne ou de la cocaïne. À l’instar des drogues illégales, les usagers sont laissés à eux-mêmes lorsqu’ils veulent mettre fin à leur consommation. Les traitements se font rares. Le marché de la revente affiche de resplendissants profits.

    Au Canada, un aîné sur dix fait un usage continu des benzodiazépines. Au Québec, 21 % des femmes et

    13,5 % des hommes âgés de 66 ans et plus en consomment de façon prolongée (plus de trois mois), s’exposant du coup aux pires conséquences pour la santé. La dépendance aux benzodiazépines vient vite. Elle frappe de 40 à 80 % des utilisateurs dès la quatrième semaine, selon une étude d’Anick Minville, pharmacienne, et de Mohamed ben Amar, chargé de cours à l’Université de Montréal. «On a surestimé leur efficacité et leur sécurité à long terme, a dit hier Mme Minville. On s’est rendu compte avec le temps que toutes les benzodiazépines avaient un potentiel de toxicité, d’abus et de dépendance.»

    Malgré ce troublant constat, le Collège des médecins du Québec ne voit aucun inconvénient à ce que ses membres prescrivent des benzodiazépines pour des périodes de deux semaines, avec la possibilité de renouveler la prescription «cinq fois, six fois». «C’est un problème qu’on voit dans le quotidien. On voit des gens qui arrivent à la pharmacie avec des prescriptions de benzodiazépines», déplore Mme Minville. Certains rivalisent d’ingéniosité en consultant plusieurs médecins et en fréquentant plusieurs pharmacies afin de ne jamais manquer de petites pilules. D’autres n’ont pas à se casser la tête puisque des médecins ignorent tout simplement les dangers à long terme des benzodiazépines. Des discussions auraient eu lieu entre le CMQ et l’Ordre des pharmaciens afin de mettre en place un programme de formation continue. Mais le projet serait resté à l’état informel.

    Survivante des benzodiazépines et auteure du livre Addiction By Prescription, Joan Gadsby affirme que l’industrie pharmaceutique et ses bénéficiaires de la communauté médicale n’ont nullement l’intention de rectifier le tir. «C’est uniquement une question d’argent», dit-elle. Réglementées, encadrées, les benzodiazépines constituent sans doute la drogue la plus répandue à travers le monde, avec des ventes totales de 21 milliards de dollars en 1999. À peine un patient sur cinq serait mis au courant de leurs effets secondaires potentiels, avance Mme Gadsby, qui réclame la tenue d’une commission d’enquête. Dans l’immédiat, elle encourage les «victimes» de cette drogue à poursuivre les médecins, l’industrie pharmaceutique et les gouvernements. «Nous avons besoin que des personnes défient le système de santé.»

    Le devoir.com


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